5 novembre - De pompes à essence en péages : le défilé gris des kilomètres...

Choisir le tapis rouge de l'altiplano, c'était aussi choisir l'autopista. Un tapis gris en fait. Des kilomètres d’asphalte ; de béton ; de goudron. Tantôt râpeux, tantôt lisse. Mais d’une fidélité rare.
La ligne est tracée et ne dévie pas. Aussi régulière que le pendule de l’hypnotiseur.
« Tout droit, toujours tout droit... Laissez-vous porter... Laissez-vous emporter...Vous ne sentez plus vos jambes... Tout droit, toujours tout droit... Gardez le cap... Ne laissez pas vos pensées vous envahir... Vous n’avez plus de pensées... Vous n’avez plus que des jambes... Et un objectif. Atteindre le Levant... Tout droit, toujours tout droit... Aller à l’Est... Plus de pensées... Des jambes... A l’Est... Tout droit. »
Et nous sommes ivres de cette voix monotone. Obéissants comme des automates bien élevés. Aucune révolte en nous, aucune idée de rébellion. Aucune idée tout court d’ailleurs. Nous pédalons. Sous le charme de cette sirène grise.
Rien. Il ne se passe rien. Rien que le temps qui passe et le défilé gris des kilomètres.
Si le royaume de la Puta Madre était comparable aux Enfers de nos ancêtres, alors il faudrait voir celui de l’altiplano comme un purgatoire moderne. Un endroit neutre, sans couleur ni chaleur. Un endroit où l’on attend. Où l’on attend vaguement qu’un jour, peut-être, si elles existent vraiment, les portes du paradis promis se dressent. Il n’y a rien. Rien qu’une route presque vierge. Insensible aux caresses de nos roues. Pas de plaisir. Pas de déplaisir non plus.
Rien. Il ne se passe rien. Rien que le temps qui passe et le défilé gris des kilomètres.
« A l’Est... Toujours tout droit... Ne pensez plus... Les jambes... Tout droit... Le Levant ».
Et nous gardons le cap ; sans réfléchir. Car il ne faut pas penser au purgatoire : ça donne le vertige.
Pourtant, nous passons des portes. Oh, pas celles du paradis. Mais plutôt des portes de passage. Comme pour nous dire « si, si, vous avancez, c’est bien par là ». Des portes de péage. Des portes de pompes à essence. Des portes.
Et de portes en portes, nous avançons. De lever de soleil en coucher de soleil, nous avançons. De purgatoire en paradis, nous avançons.
« Tout droit, toujours tout droit. Le Levant. »

2 commentaires:

Rome en Images a dit…

Coucou milanais aux voyageurs de l'Altiplano.

Les Andes... si loin de la mode...

A bientôt chercheurs d'absolu.

dekaru a dit…

et alors?? une semaine et aucune actualisation ???

est-ce que s'étaient bien deroulées les suivantes étapes de votre trajet?

salut !