Mai 2009 - Du Perou a la Bolivie : les splendeurs du lac Titicaca...

La voilà donc, la route qui va nous mener de l'autre côté de la frontière, de l'autre côté du Pérou.
Pérou. Ce nom évoquera tant de souvenirs maintenant, tant de sentiments et d'émotions contrastés. Nous y avons passé presque deux mois ; nous avons transpiré, tempêté, pleuré. De beauté, et de désœuvrement. Jamais pays ne nous aura autant affectés. En bien comme en mal. Et voilà que nous nous apprêtons à le quitter. Il fait à présent partie de notre histoire ; pour toujours.
Bizarrement, plus nous nous approchons de la ligne frontière, plus le calme se fait. La route qui mène de Puno à Copacabana en Bolivie est peu pratiquée : l'asphalte est hésitant, et, surtout, il faut traverser un bout du lac Titicaca en barque si l'on veut passer son chemin. Pour notre départ, le soleil péruvien s'est levé de bonne heure, plus dynamique que jamais. Il nous tient la main comme pour nous saluer une dernière fois, comme pour nous dire que, malgré tout et quoiqu'il arrive, il sera toujours là, fidèle, et que finalement, c'est peut-être cela qui compte le plus. Sur notre route, quelques villages. Calmes. Mais calmes... Les rares paysans nous saluent, et nous perdons nos regards sur les pyramides de blés qui peignent le paysage comme un tableau de Manet. A l'horizon, la ligne du lac se perd elle aussi, dessinant des reflets que les meilleurs miroirs jalouseraient. La route défile au milieu de ce décor à peine réel, et nous apprécions cette tranquillité. L'heure des au-revoir a sonné, et elle semble apaisée. Pas de rancune mais pas d'oubli non plus. Dans cette paix retrouvée, nous avons le temps de penser à l'expérience passée. Plus de trois cents jours que nous roulons à présent. Certains souvenirs semblent déjà lointains, d'autres s'effacent lentement dans les spirales de l'oubli, d'autres surgiront sans que l'on n'y pense plus. Mais du Pérou à la Bolivie, nous n'oublierons pas les splendeurs du lac Titicaca. Alors qu'une eau sans limite nous entoure, les neiges éternelles des montagnes boliviennes nous saluent. Là-haut, à plus de six mille mètres d'altitude, nous devinons une pureté à peine respirable ; la beauté qui hante les alpinistes, et happe le regard de tout homme. Nous pédalons les yeux rivés au ciel ; que la route monte ou descende, peu importe, nous sommes trop occupés de beauté. L'eau, la terre et l'air se mêlent en un seul tableau, unique. Cézanne n'aurait pas eu assez de sa vie pour dépeindre ce décor-là. Les nuages tournoient et jouent de lumière et d'intensité. Nous sommes les fourmis d'un univers qui parfois nous dépasse.
La Bolivie elle aussi tient ses légendes. Nous la savons pauvre et grandiose. Nombre de cyclistes y ont cassé leur vélo et leur moral, mais aucun ne l'a jamais regretté. Nous savons que nous quittons l'aventure profondément humaine du Pérou pour mieux la poursuivre sur cette nouvelle terre. Nous savons que le froid et les mauvaises pistes nous attendent, et qu'il nous faudra sans doute explorer de nouvelles limites en nous. Mais nous sommes plus sereins. L'énervement et la révolte sont vifs et ne passent pas, mais ils font le ciment de notre apaisement. Nous avons moins peur de nos réactions, et de celles de nos frères humains. Nous avançons. Plus que jamais, nous avançons.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

En 300 jours, sans nul doute que vous avancez. Vous nous faites rêver. Tant de choses vécues... Tant de choses à raconter... Beaucoup de pudeur aussi...
bises
sara