Nous sommes au Pérou. Sur la côte. Je me laisse bercer par le souffle apaisant de l'océan. Inspiration, expiration. L'air est salé, et, bizarrement, le CO2 semble être resté dans ses montagnes. Le sable blanc s'étend devant moi, presque vierge, et le hamac se laisse caresser le ventre par la bise. Nous ronronnons.
Ce jour de pause n'était pas prévu, mais Rodrigo et sa plage nous ont séduits. Nous voilà installés, en bord de mer, attablés comme à la maison, partageant la vie d'un jeune couple qui a choisi de construire son nid ici. En guise de branches et de feuilles, le revenu que leur assure la location de cabanias pendant les semaines de vacances. De très belles petites chambres individuelles face à la mer. Le rêve du vacancier assommé par trop de stress. Comme nous ne sommes pas (trop) stressés et que nous n'avons pas le budget, Rodrigo et Vanessa n'ont même pas cherché à négocier. On n'a qu'à dormir ici, chez eux, et utiliser leur salle de bain. Vous voulez boire quelque chose ?
Depuis longtemps, nous avons laissé nos fausses politesses sur le bord de la route, et nous acceptons la joie au coeur. Il y a encore quelques mois, nous répondions non, non, on ne veut pas gêner, on va bien finir par trouver un endroit, ne vous dérangez pas, vraiment, c'est sûr... Et puis, on a fini par comprendre. Comprendre que cette manière-là manquait un peu de simplicité ; que l'offre était sincère et heureuse ; que non, vraiment, on ne pouvait pas déranger ; et qu'il n'y avait pas de quoi en faire un plat. Alors nous acceptons sans manière, mais avec tant de reconnaissance ! Prêts à partager de nouveau nos vies et nos voies.
Le dos du Capitaine nous préoccupe toujours, mais aujourd'hui, nous sommes heureux. Après toutes ces semaines de pause forcée, nous avons le sentiment que le voyage a repris ses droits. Nous avons ressorti la moustiquaire et espérons ne plus avoir à dormir dans de petits hôtels. Nous redécouvrons la joie des nuits imprévues et insolites. Chaque matin, nous nous levons sans savoir où nous nous arrêterons, sans savoir si nous aurons des larmes de joie ou de désespoir, sans savoir qui nous rencontrerons et comment. Il y a deux jours, à tout hasard, nous nous sommes aventurés dans une réserve militaire, nous disant, qu'après tout, il devait sûrement y avoir des locaux vides prêts à nous recevoir. Le sergent qui nous accueille s'appelle Dejanon : un arrière-grand-père français... nous sentons que le destin nous sourit.
" Il va falloir parler avec le commandant", nous dit-il d'un air faussement sévère. Je replace une mèche rebelle sans m'en rendre compte, et Haddock réajuste le col qu'il n'a pas. Nous pénétrons dans l'antre kaki, avec nos tanks à nous.
Le bureau du commandant s'ouvre comme un frigo : l'air frais de la climatisation fait courir un frisson sur nos bras, à moins que ce ne soit la décoration imposante et guerrière de l'endroit. Je me rends compte que mon tee-shirt rose est presque noir ; je n'ai toujours pas racommodé les trois trous de celui de mon héros. Tant pis : nous arborons notre plus beau sourire. Le commandant est au téléphone, nous attendons le protocole, assis droit comme des i sur la banquette qu'on nous présente. Le combiné est reposé, on nous regarde... Et on nous sourit, on nous serre la main, on nous tape l'épaule. Vlan le protocole et ses grimaceries ; place à la franche camaraderie ! Nous ne sommes jamais venus ici, mais nous avons l'impression d'être de vieux amis. Il faut dire que le commandant connaît Paris... Ah, Paris !
" Ainsi donc, vous cherchez une petite chambre pour la nuit ?
- Oh, juste un toit et un point d'eau, ça nous ira très bien ! On a une moustiquaire, et tout ce qu'il faut pour cuisiner, et ...
- On va voir ce qu'on peut faire ! "
Nous savons déjà que nous n'aurons pas à reprendre nos tanks à la recherche d'un autre campement. Soulagement. Où en étions-nous déjà ? Ah, oui, Paris... La discussion reprend. De fil en aiguille, le bon commandant nous fait traverser sa base, et nous arrête devant le parcours du combattant. Regard perplexe de Blanche-Neige qui n'a pas tellement envie de faire des pompes à l'heure qu'il est. Regard confiant d'Indiana : il a vu la porte. Là, en face du parcours. Le sous-officier qui nous accompagne, et qui, lui non plus, n'a pas l'air d'en croire ses yeux, ouvre la porte. Un palace ! Une vraie maison, avec un salon, une cuisine, deux chambres, deux salles de bain, des chaises, une table, et même des tableaux au mur. "Est-ce que ça vous conviendrait ? ", demande la malice des yeux du Commandant. Nous sourions. Et faisons mine de dire que quand même, il aurait pu faire mieux, que c'est un peu rustique, mais que bon, s'il insiste, on daignera honorer le lit de nos fesses bien tannées. Rires. Nous n'en revenons pas ! Le chef militaire, lui, jubile, fier de montrer que l'armée, c'est aussi ça. Nous revenons à Paris, la France, ses peintres... Soudain, un groupe de jeunes soldats s'avance vers nous en courant.
" C'est l'heure de l'entraînement ?"
- Non : ils viennent là pour nettoyer ! "
Nos yeux écarquillés s'aiguisent : à y regarder de plus près, les quatre jeunes soldats tiennent un balai à la main, et un cinquième est là pour donner les instructions. Toi, la cuisine ; toi, la salle de bain ; toi, le salon ; toi, la chambre. On branche la chaîne hi-fi et on balaie au rythme de la salsa ! Les soldats doivent se demander qui nous sommes pour recevoir tant d'attention. Le Commandant est aux anges ; et nous aussi. Nous dormons cette nuit-là dans le meilleur hôtel que nous n'ayons jamais trouvé.
Et ainsi va notre vie de nomades. Ils sont drôles, parfois, les endroits où nous dormons. Un jour sur un bout de terrain, en contrebas d'une nationale ; un autre dans le jardin d'un hôpital ; une fois dans le cajibi d'un bar de routier ; une autre dans la caserne des pompiers ; enfin dans la maison de Dieu. Nous nous amusons de tant de diversité. Et nous régalons de ces hospitalités inattendues.
Comme quoi, les petits paradis ne sont pas toujours ceux que l'on croit !
Ce jour de pause n'était pas prévu, mais Rodrigo et sa plage nous ont séduits. Nous voilà installés, en bord de mer, attablés comme à la maison, partageant la vie d'un jeune couple qui a choisi de construire son nid ici. En guise de branches et de feuilles, le revenu que leur assure la location de cabanias pendant les semaines de vacances. De très belles petites chambres individuelles face à la mer. Le rêve du vacancier assommé par trop de stress. Comme nous ne sommes pas (trop) stressés et que nous n'avons pas le budget, Rodrigo et Vanessa n'ont même pas cherché à négocier. On n'a qu'à dormir ici, chez eux, et utiliser leur salle de bain. Vous voulez boire quelque chose ?
Depuis longtemps, nous avons laissé nos fausses politesses sur le bord de la route, et nous acceptons la joie au coeur. Il y a encore quelques mois, nous répondions non, non, on ne veut pas gêner, on va bien finir par trouver un endroit, ne vous dérangez pas, vraiment, c'est sûr... Et puis, on a fini par comprendre. Comprendre que cette manière-là manquait un peu de simplicité ; que l'offre était sincère et heureuse ; que non, vraiment, on ne pouvait pas déranger ; et qu'il n'y avait pas de quoi en faire un plat. Alors nous acceptons sans manière, mais avec tant de reconnaissance ! Prêts à partager de nouveau nos vies et nos voies.
Le dos du Capitaine nous préoccupe toujours, mais aujourd'hui, nous sommes heureux. Après toutes ces semaines de pause forcée, nous avons le sentiment que le voyage a repris ses droits. Nous avons ressorti la moustiquaire et espérons ne plus avoir à dormir dans de petits hôtels. Nous redécouvrons la joie des nuits imprévues et insolites. Chaque matin, nous nous levons sans savoir où nous nous arrêterons, sans savoir si nous aurons des larmes de joie ou de désespoir, sans savoir qui nous rencontrerons et comment. Il y a deux jours, à tout hasard, nous nous sommes aventurés dans une réserve militaire, nous disant, qu'après tout, il devait sûrement y avoir des locaux vides prêts à nous recevoir. Le sergent qui nous accueille s'appelle Dejanon : un arrière-grand-père français... nous sentons que le destin nous sourit.
" Il va falloir parler avec le commandant", nous dit-il d'un air faussement sévère. Je replace une mèche rebelle sans m'en rendre compte, et Haddock réajuste le col qu'il n'a pas. Nous pénétrons dans l'antre kaki, avec nos tanks à nous.
Le bureau du commandant s'ouvre comme un frigo : l'air frais de la climatisation fait courir un frisson sur nos bras, à moins que ce ne soit la décoration imposante et guerrière de l'endroit. Je me rends compte que mon tee-shirt rose est presque noir ; je n'ai toujours pas racommodé les trois trous de celui de mon héros. Tant pis : nous arborons notre plus beau sourire. Le commandant est au téléphone, nous attendons le protocole, assis droit comme des i sur la banquette qu'on nous présente. Le combiné est reposé, on nous regarde... Et on nous sourit, on nous serre la main, on nous tape l'épaule. Vlan le protocole et ses grimaceries ; place à la franche camaraderie ! Nous ne sommes jamais venus ici, mais nous avons l'impression d'être de vieux amis. Il faut dire que le commandant connaît Paris... Ah, Paris !
" Ainsi donc, vous cherchez une petite chambre pour la nuit ?
- Oh, juste un toit et un point d'eau, ça nous ira très bien ! On a une moustiquaire, et tout ce qu'il faut pour cuisiner, et ...
- On va voir ce qu'on peut faire ! "
Nous savons déjà que nous n'aurons pas à reprendre nos tanks à la recherche d'un autre campement. Soulagement. Où en étions-nous déjà ? Ah, oui, Paris... La discussion reprend. De fil en aiguille, le bon commandant nous fait traverser sa base, et nous arrête devant le parcours du combattant. Regard perplexe de Blanche-Neige qui n'a pas tellement envie de faire des pompes à l'heure qu'il est. Regard confiant d'Indiana : il a vu la porte. Là, en face du parcours. Le sous-officier qui nous accompagne, et qui, lui non plus, n'a pas l'air d'en croire ses yeux, ouvre la porte. Un palace ! Une vraie maison, avec un salon, une cuisine, deux chambres, deux salles de bain, des chaises, une table, et même des tableaux au mur. "Est-ce que ça vous conviendrait ? ", demande la malice des yeux du Commandant. Nous sourions. Et faisons mine de dire que quand même, il aurait pu faire mieux, que c'est un peu rustique, mais que bon, s'il insiste, on daignera honorer le lit de nos fesses bien tannées. Rires. Nous n'en revenons pas ! Le chef militaire, lui, jubile, fier de montrer que l'armée, c'est aussi ça. Nous revenons à Paris, la France, ses peintres... Soudain, un groupe de jeunes soldats s'avance vers nous en courant.
" C'est l'heure de l'entraînement ?"
- Non : ils viennent là pour nettoyer ! "
Nos yeux écarquillés s'aiguisent : à y regarder de plus près, les quatre jeunes soldats tiennent un balai à la main, et un cinquième est là pour donner les instructions. Toi, la cuisine ; toi, la salle de bain ; toi, le salon ; toi, la chambre. On branche la chaîne hi-fi et on balaie au rythme de la salsa ! Les soldats doivent se demander qui nous sommes pour recevoir tant d'attention. Le Commandant est aux anges ; et nous aussi. Nous dormons cette nuit-là dans le meilleur hôtel que nous n'ayons jamais trouvé.
Et ainsi va notre vie de nomades. Ils sont drôles, parfois, les endroits où nous dormons. Un jour sur un bout de terrain, en contrebas d'une nationale ; un autre dans le jardin d'un hôpital ; une fois dans le cajibi d'un bar de routier ; une autre dans la caserne des pompiers ; enfin dans la maison de Dieu. Nous nous amusons de tant de diversité. Et nous régalons de ces hospitalités inattendues.
Comme quoi, les petits paradis ne sont pas toujours ceux que l'on croit !
2 commentaires:
et bien.... si on m'avait dit que vous dormiriez dans un camp bmilitaire... je ne l'aurais pas cru ! bises à tous deux !
J'ai vu Maité hier. Elle a pris de vos nouvelles !
Sara
whaoouuuh, ça fait rêver tant de diversité !! dans de lieux insolites où dormir !... comme quoi, il faut parfois oser frapper à certaines portes...
bisous
mama
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