10-12 decembre - La Vierge de Guadalupe... notre Noel Maya!



Depuis quelques jours, nous croisions sur notre route de drôles de cyclistes. Des pèlerins "guadalupanos". A pied ou à vélo, ils vont de villages en villages rendre hommage à la Vierge de Guadalupe, qui, paraît-il, est apparu un 12 décembre du XVème siècle... Sur le porte-bagages de leurs bicyclettes, se dresse l'effigie de la Sainte. Nous croisons son regard lorsque nous les doublons. Et malgré toutes nos questions, nous n'avons jamais réussi à savoir ce que signifiait "Guadalupe". C'est son nom, voilà tout. Elle est apparue quelque part au Mexique, et elle est plus fêtée que l'enfant Jésus lui-même! La famille d'un certain Florentino nous donnera l'occasion de nous en rendre compte...
Nous venions de traverser, enfin!, la forêt tropicale le long d'une belle piste de campagne... Le calme retrouvé, loin du trafic de la ville, loin des bruits de moteurs. Seuls. Avec le gazouillement des oiseaux, et le grouillement des insectes. Parfois, nous croisions un chasseur à vélo, le fusil sous le coude, le sourire aux oreilles. Ce jour-là, le temps se faisait orageux, nos jambes se sentaient moites et fatiguées, et le petit village de X-Pichil se présenta comme un refuge idéal. Et surtout sa petite épicerie, La Rosita, où nous pourrions nous approvisionner en sucres en tous genres. Mais nous ne savions pas qu'en mettant les pieds à la Rosita, nous entrerions dans le royaume de la culture Maya...
Très vite, Florentino et ses proches nous abordent. Il n'est pas si courant de voir des gringos à vélo dans le secteur! Les questions fusent et l'excitation monte : une grande fête se prépare. Il n'a pas fallu beaucoup de temps pour que l'on nous invite à partager ce grand moment. Le temps de rentrer nos bicis dans la cours et nous nous retrouvons, les mains dans la farine de maïs, à préparer des montagnes de tortillas. L'ambiance est bon-enfant et les femmes s'amusent de voir un homme se prêter à cette activité... Et elles sont belles ces femmes, vêtues de leur robes traditionnelles, les anciennes près des plus jeunes, veillant à transmettre leur art!
A côté de la famille, se dresse l'autel de la famille. Les cierges brûlent en nombre. La Vierge de Guadalupe, toute de couleur, tient la première place. A ses côtés, un Christ phosphorescent clignote, comme le sapin de Noël qui se tient à ses pieds. Les fleurs fraîches, directement importées de la ville, embaument. Plus tard, l'encens se mêlera à leur fragrance, dans l'attente des précieuses offrandes.
A cinq heures du matin, les cris des cochons sacrifiés nous réveillent. Les hommes sont à l'ouvrage et la famille se lève doucement, prête pour cette longue journée de préparatifs... Trois énormes chaudrons bouillonnent dans le patio. L'odeur du feu de bois se mêle à celle de la viande et des aromates, et les tortillas s'amoncellent sur les nappes brodées. Un peu plus loin, dans la maison de l'oncle, on a préparé le "pib", ce four sous terre dans lequel les morceaux choisis du porc mijoteront toute la nuit...
C'est que l'offrande ne s'adresse pas uniquement à la Vierge. La famille de la Rosita s'apprête à nourrir une bonne partie du village. Les femmes viennent prêter main forte et repartent avec leur bol de viande et leur réserve de tortillas. Une sorte de grande cantine populaire s'organise : on fait la queue, on patiente ; il y en aura pour tout le monde. C'est là la promesse faite à la Vierge. Depuis le petit matin, l'autel s'anime. Le père et la mère de famille, déjà âgés, s'agenouillent devant leur Sainte. Un prieur psalmodie les chants sacrés au rythme du "mayapatch" : mélopée lancinante jouée par trois musiciens encore endormis.
Ainsi, le rite maya se mêle au rite catholique, la langue indigène à l'espagnol conquérant. Il faut préserver la tradition, ne cesse-t-on de nous répéter. C'est ainsi que nous apprenons que le Christ s'est fait baptiser dans un rio du Brésil. C'est le "livre perdu" qui le raconte. Celui qui, il y a longtemps de cela, a été écrit par Jean-Baptiste ; celui dont il faut suivre les préceptes. Et nos Mayas ne cessent d'en appeler à la protection de Dieu. La foi fait des miracles : les ouragans ont toujours été détournés du village, et jamais aucun fléau ne l'a affecté. C'est pour ça qu'il faut garder la tradition, et continuer le rite, toujours et encore. Car le Livre sacré prédit que lorsque la sécheresse aura eu raison des hommes, lorsque le réchauffement climatique aura eu raison de la Terre et de ses fruits, alors, les Mayas, grâce à leurs prières, pourront s'abreuver à l'unique source préservée, non loin de là, dans une grotte, au centre du monde... Guillaume et moi écoutons ces prophéties, entre fascination et scepticisme. Si nous restons un peu plus, l'oncle de la famille pourra lire notre vie dans les bougies...
Ainsi, les Mayas, qui pourtant devaient avoir leurs propres dieux, semblent avoir oublié que le catholicisme leur a été imposé par les Espagnols. Certains nous demandent même, si, en Espagne, ils parlent aussi espagnol... Mais il ne faut pas s'y tromper, tout isolés qu'ils sont, ces villageois n'ignorent rien du monde moderne : les tortillas s'aplatissent au rythme de la techno, et on nous interroge sur la guerre en Irak, parce qu'on n'est pas sûr d'avoir tout bien compris.
Et, dans ce jeu de questions/réponses, nous ne cessons de manger ! Boudins au petit matin, gratons à midi, et porc bouilli le soir. Le tout accompagné de jus de maïs, ou de... coca-cola ! A croire que nous faisons nos réserves pour l'hiver... car la fraîcheur est arrivée et on a sorti les gilets. Le grand-père de quatre-vingt-douze ans, bon pied bon oeil, a décidé de mettre des braises au pied de son hamac ce soir. Le thermomètre a dû descendre près des... 15°C!

1 commentaire:

Anonyme a dit…

A Milan, il neige. Aussi, on compatit ;-) Beaux moments que vous nous faites partager. On s'y croirait ! Un vrai plaisir...