Sur la route qui relie Kanab au Grand Canyon, il n’y a rien. La ligne grise du goudron sépare deux espaces de landes sans fin. Seul le moteur des voitures trouble le silence du rien.
Guillaume et moi roulons. Sans parler, comme souvent. Il est devant moi et m’attend régulièrement pour nos petites pauses rituelles. Et nous redémarrons. Sans parler, comme souvent. Mais ce jour-là je devais avoir la tête dans le guidon plus que les autres jours… Guillaume s’arrête sans que je m'en rende compte et ma roue avant percute de plein fouet une de ses sacoches arriere… qui echoie lamentablement sur le sol ! Je vous passe les jurons du cycliste en colere (au moins aussi inventifs que ceux du capitaine Haddock!), et vous epargne les mots tendres qu’il a pour sa douce stoïque (« après la pluie vient le beau temps », etc.). Toujours est-il que nous nous retrouvons sur le bas-côté, moi à tenir les vélos (à quand l’investissement « bequilles »?) et Guillaume à réparer le massacre. Mais comme il a tout prevu, le massacre n’est pas si grand : on a la piece de rechange ! (il est bien mon homme, hein ?). En attendant, les voitures passent : la lande a beau être desertique, elle n’en mène pas moins au Grand Canyon…
Aucune ne s’arrête.
Cela ne nous surprend plus vraiment : nous nous sommes habitués à l’indifference americaine… Mais il n’y a pas de règle sans exception et au bout d’une vingtaine de minutes, nous voyons une voiture ralentir. Enfin un peu de compassion! Elle s’arrête à notre niveau. La vitre se baisse. Le charmant minois d’une jeune demoiselle apparaît. Tout sourire au milieu de ses boucles rousses… Nous la regardons, déjà reconnaissants de tant de bienveillance.
"On est bien sur la route du Grand Canyon, ici ?"
Vous noterez l'absence de "bonjour" ou de toute autre formule d'accroche qui auraient pu rendre le propos presque agréable.
Je reste bouche-bée de stupefaction. Le Capitaine Haddock, les mains dans le cambouis, murmure un pâle "Yes". (Débarassons nous au plus vite de cette parenthese parasite...pense-t-il) Ma bouche est toujours bée mais mon regard doit être noir, voire méprisant, car la poupée rousse murmure un tiède "thank you" (le neurone de la politesse s'est visiblement activé...).
La vitre remonte.
Nous sommes toujours sur le bas-côté, moi à tenir les velos, et Guillaume à réparer le massacre.
Guillaume et moi roulons. Sans parler, comme souvent. Il est devant moi et m’attend régulièrement pour nos petites pauses rituelles. Et nous redémarrons. Sans parler, comme souvent. Mais ce jour-là je devais avoir la tête dans le guidon plus que les autres jours… Guillaume s’arrête sans que je m'en rende compte et ma roue avant percute de plein fouet une de ses sacoches arriere… qui echoie lamentablement sur le sol ! Je vous passe les jurons du cycliste en colere (au moins aussi inventifs que ceux du capitaine Haddock!), et vous epargne les mots tendres qu’il a pour sa douce stoïque (« après la pluie vient le beau temps », etc.). Toujours est-il que nous nous retrouvons sur le bas-côté, moi à tenir les vélos (à quand l’investissement « bequilles »?) et Guillaume à réparer le massacre. Mais comme il a tout prevu, le massacre n’est pas si grand : on a la piece de rechange ! (il est bien mon homme, hein ?). En attendant, les voitures passent : la lande a beau être desertique, elle n’en mène pas moins au Grand Canyon…
Aucune ne s’arrête.
Cela ne nous surprend plus vraiment : nous nous sommes habitués à l’indifference americaine… Mais il n’y a pas de règle sans exception et au bout d’une vingtaine de minutes, nous voyons une voiture ralentir. Enfin un peu de compassion! Elle s’arrête à notre niveau. La vitre se baisse. Le charmant minois d’une jeune demoiselle apparaît. Tout sourire au milieu de ses boucles rousses… Nous la regardons, déjà reconnaissants de tant de bienveillance.
"On est bien sur la route du Grand Canyon, ici ?"
Vous noterez l'absence de "bonjour" ou de toute autre formule d'accroche qui auraient pu rendre le propos presque agréable.
Je reste bouche-bée de stupefaction. Le Capitaine Haddock, les mains dans le cambouis, murmure un pâle "Yes". (Débarassons nous au plus vite de cette parenthese parasite...pense-t-il) Ma bouche est toujours bée mais mon regard doit être noir, voire méprisant, car la poupée rousse murmure un tiède "thank you" (le neurone de la politesse s'est visiblement activé...).
La vitre remonte.
Nous sommes toujours sur le bas-côté, moi à tenir les velos, et Guillaume à réparer le massacre.
1 commentaire:
J'aime beaucoup ta façon de raconter les choses. C'est drôle, cruel, délectable. Un vrai bonheur... merci
Sara
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