Samedi 17 février 2007. Punta Arenas – Patagonie chilienne.
Nous venons de vivre trois jours hors du commun. Je crois même que nous avons frôlé le surréalisme ! D’abord une belle journée de vélo où nous avons goûté la jouissance d’être poussés par le vent… Et nous avons bien fait d’en profiter, car une fois la frontière chilienne passée, le pays a su nous faire accueil ! D’abord la découverte du « ripio » : l’asphalte fait place à une piste caillouteuse et poussiéreuse… La fatigue ne sera donc plus seulement dans les jambes, mais aussi dans les bras et les yeux. Nous voilà agrippés à nos vélos pour faire face. Mais l’accueil n’aurait pas été parfait, si le Chili n’avait pas ajouté sa « personal touch » : le vent patagon ! Et nous n’étions qu’au début de nos peines. Après avoir trouvé un « creux » dans la lande pampanesque, et bien décidés à ne pas nous laisser abattre, nous avons résolu de nous lever aux grandes aurores, comptant sur une accalmie matinale. Celle-ci fut brève et… tout en nuances ! A 10h du matin, et au bout de deux heures de route, nous avions parcouru vingt kilomètres et grillé toutes les calories que les nouilles chinoises nous avaient procurées la veille… Le mollet de Guillaume a recommencé à trembler. Nous y avons vu le signe d’alerte inaugurant notre entrée en galère. Nous deux, au beau milieu de la pampa, avec une traversée de cent cinquante kilomètres à faire et un vent de science-fiction face à nous. Nous avons fait plusieurs tentatives de pauses, attendant patiemment le pick-up magique qui saurait nous sortir de là… La magie n’a pas opéré tout de suite. Visiblement, peu de magiciens s’aventurent dans cette lande désertique. Au bout de quatre heures, deux envoyés du Ciel se sont finalement arrêtés : je mets ma main à couper qu’ils avaient des ailes dans le dos. Ils nous ont déposé vingt kilomètres plus loin, nous assurant que nous trouverions en chemin quelque « estancia » où vivait un « matrimonio » qui saurait quoi faire de nous, et, cerise sur le gâteau, se rendait à Porvenir le lendemain. Nous avons donc enfourché à nouveau nos bestiaux à la recherche de la maison de sucre ! Le matrimonio fut trouvé. Maria et José. Deux paysans au milieu de la pampa et une maison chaude, mais chaude. Un vieux poêle à bois fait office de chauffage et de cuisinière. Une table, quelques chaises, un ou deux fauteuils. Des photos de chiens et des posters de football pour orner un frigo qui fait office de placard. Placard aussitôt ouvert pour nous offrir le « cafecito ». Mmmmm… Quel régal ! Nous qui nous étions restreints toute la journée, pensant que nous pourrions rester coincés dans cette pampa pendant cinq jours ! Le « cafecito » fut servi avec un gros pain fait maison et de la confiture de rhubarbe comme jamais. Et nous voilà heureux. Echange de sourires, de banalités dans un mauvais espagnol. Mais échange. Mais partage. Mais relation vraie. Nous avons planté la tente dans le jardin, et, malgré nos refus , nous sommes vu servir le repas. Maria a dû comprendre que ces refus étaient un véritable « oui ». Oh oui ! Oui à ces chuletas d’agneau accompagnées de papas et de sirop d’ananas ! Oui à ce bon thé à la menthe du jardin ! Oui à cette simplicité de nous recevoir ! José et Maria se montrent discrets, pudiques. Jamais ils ne nous posent de questions, mais ils répondent avec plaisir aux nôtres, nous montrent quelques photos et reçoivent avec enthousiasme une carte de Paris que nous avons apportée. Nous sommes comblés. Le sommeil fut lourd et salutaire.

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